Basu l’Indien tragique

par Gérard Charut, Critique d’art, Est Republicain, 24 décembre 1990

 

 

Né à Calcutta, où il a fait les Beaux-Arts, Basu vit en France depuis deux ans. De sa culture orientale, il a gardé une sensibilité déroutante que nuancent à peine les influences des « fauves » en particulier Matisse, et d’artistes aussi insaisissables, à son instar, que Francis Bacon.

Avec une palette qui se complait dans le pourpre, le rose et la couleur brique, Basu traduit ses états d’âme, ses états d’art, dans une peinture de la mouvance et de l’émotion.

 

Une peinture à cœur ouvert
Ses flous, ses glacis, ses taches étirées qui composent des dos, des jambes, des visages délavés, qui se devinent plus qu’ils ne se lisent, sont autant de souvenir écorchés d’un monde Indien, le sien, qu’on a tendance, ici, à spiritualiser, à sublimer à l’extrême, alors qu’avec une cruauté voulue, il nous rend tel qu’en lui-même, c’est-à-dire tragique.

 

Si les modèles préférés de Basu, à savoir les femmes, n’ont pas de visage, et par conséquent pas de regard, c’est parce qu’en général la femme indienne n’a pas de pouvoir, donc pas de réalité. Et si les enfants qu’il représente paraissent éthérés, c’est qu’en Inde, une naissance n’est pas toujours une bénédiction, mais parfois  un drame triste : l’arrivée d’une bouche supplémentaire à nourrir.

 

Ce monde terrible qu’il nous donne à voir serait sans doute insupportable, sans ce talent qui permet aux grands artistes, fussent-ils écrivains, cinéastes ou peintres, de tout dire, de tout montrer, de tout partager à tranche d’âme, à cœur ouvert, avec le rouge vif des plaies qui jamais, ne se referment.

 

 

 

Texte

 

de Gérard Charut